Les Arbres sont nos ancêtres
“Pour le peuple colonisé, la valeur la plus essentielle, parce que la plus concrète, c’est d’abord la terre : la terre qui doit assurer le pain et, bien sûr, la dignité.
Mais cette dignité n’a rien à voir avec la dignité de la « personne humaine ». Cette personne humaine idéale, il n’en a jamais entendu parler.
Ce que le colonisé a vu sur son sol, c’est qu’on pouvait impunément l’arrêter, le frapper, l’affamer, et aucun professeur de morale jamais, aucun curé jamais, n’est venu recevoir les coups à sa place ni partager son pain avec lui."
Frantz Fanon, Les Damnés de la Terre
Les Arbres sont nos ancêtres. Chaque membrane de leur écorce, chaque cellule de chlorophylle, est le résultat de la digestion de toutes celles et ceux qui ont foulé la terre avant nous, l'ont nourrie et s'en sont nourris, l'ont aimée surtout.
Pour qui sait écouter, ils nous disent les histoires que nos aïeux n'ont pu raconter. Déposées dans le compendium de leur racines pour l'éternité.
Et quand viendra notre tour de retourner à la terre, notre sang deviendra leur sève, et nous leur confierons nos histoires pour que les générations futures n'oublient jamais que nous foulâmes cette terre et que nous l'aimâmes.
Le crime colonial est aussi crime contre les Arbres, contre la Terre et le Vivant non-humain. Tuer ou exiler les peuples indigènes et autochtones, c'est détruire celles et ceux qui sont gardien.nes d'une terre, celles et ceux qui ont depuis des siècles ou des millénaires, patiemment appris sa grammaire. Qui l'ont aimée et y ont déposé leurs milliards d'histoires.
Aujourd'hui je pense aux oliviers brûlés et arrachés de Palestine, tout comme je pense à ma terre natale de Martinique empoisonnée au chlordécone, à ses mangroves bétonnées et ses fromagers déracinés, au nom du capitalisme colonial occidental.
J'ai la chanson de Wallen, "L'Olivier", qui me joue en boucle dans la tête, une chanson qui parle d'exil et d'espoir, et qui me touchait avec une profondeur inexplicable lorsque j'étais adolescente.
Je pense aux 700.000 Palestinien.nes qui furent chassé.es lors de la Nakba et ne revirent jamais leur terre natale. Je pense à leur 6 millions de descendant.es à qui l'on a confisqué le droit au retour, et qui n'ont jamais pu s'assoir à l'ombre des oliviers plantés par leurs aïeux.
Aujourd'hui j'ai le coeur lourd, alors j'irai m'assoir sous un Arbre et lui confierai toutes mes histoires.
Article sur l’écocide en cours en Palestine : https://theecologist.org/2023/nov/02/environmental-nakba