Pan-mêter : se créer un cercle d'ancêtres symboliques pour y trouver guidance et guérison
Les ancêtres nous libèrent autant que nous les libérons.
Dans un livre intitulé The Spirit of Harriet Tubman : Awakening from the Underground, l’autrice Spring Washam raconte l’expérience mystique qui l’a amenée à entrer en contact avec l’esprit d’Harriet et à en consigner les médecines et les messages puissants que continue de porter cette figure ancestrale pour notre monde moderne.
« Harriet est une ancêtre collective, non seulement pour les afrodescendant.es, mais pour le monde entier », explique Washam. Pour cette dernière, contrairement à l’image unidimensionnelle de militante qu’en a retenue l’historiographie et la mémoire officielle, Harriet était avant tout une théologienne. Une enseignante et une guide spirituelle, dont l’engagement ferme face aux défis de son temps – l’esclavagisme, l’oppression raciste et sexiste – n’était que l’extension naturelle et nécessaire de sa spiritualité.
Harriet Tubman n’est pas qu’une figure historique ; elle est une ancêtre collective
Lees sagesses d’Harriet n’ont pas disparu avec elle, affirme Washam. Ayant transcendé sa personnalité de chair et de sang, elle est devenue un archétype – une déesse. Plus qu’une figure historique, Harriet est figure symbolique : elle est l’incarnation d’une énergie de guerrière et, disons-le franchement, de badass, symbolisant le combat contre l’injustice, la saine colère, et le recours à la force juste. Cette énergie, nous dit Washam, elle existe en chacun.e de nous et, en invoquant la vie et les combats d’Harriet, nous pouvons nous y connecter et obtenir guidance.
Si les mots de Washam m’ont autant touchée, c’est parce qu’ils articulent avec éloquence une vérité que je ressens profondément dans mes entrailles. Harriet n’est pas mon ancêtre au sens propre – mon ancêtre de sang -, mais tout comme Spring Washam, je la considère comme mon ancêtre d’âme. Et en ces temps plus incertains que jamais, nous avons urgemment besoin de nous tourner vers ces ancêtres pour nous fortifier, nous inspirer et nous guider dans le présent. C’est, je crois, cette vérité qui se trouve à la racine de l’ensemble de ma démarche d’écrivaine et d’historienne.
Retisser la tresse immémoriale des sagesses oubliées
Mon intérêt pour l’histoire n’est pas motivé par un simple intérêt intellectuel - celui de l’historien objectif, neutre et détaché que le paradigme académique occidental érige en standard de la scientificité… Pour la descendante d’esclaves africain.es et d’engagé.es indien.nes que je suis, les figures anonymes que l’on croise dans les archives ne sont pas qu’objet d’étude ; elles sont ancêtres. Leurs vies oblitérées ne sont pas de simples données historiographiques : elles sont sagesses oubliées ; des bénédictions de grands-mères dont je ne connaitrai jamais les noms, mais qui pourtant, veillent sur chacun de mes pas, les guident sur les chemins incertains. En les cherchant, c’est un peu moi-même que je cherche… En les sauvant de l’oubli, c’est un peu moi-même que je sauve.
Lorsque je réfléchis aux enjeux qu’implique l’acte d’écrire l’histoire des subalternes - les « petites gens » silenciées par la « grande histoire » - , le mot qui me vient le plus spontanément à l’esprit est celui de sacerdoce. Il existe une dimension profondément mystique à l’acte d’exhumer et de transmettre ces récits confisqués par l’écrasante mécanique de l’oubli. Cet acte, je m’emploie à l’accomplir dans un esprit de révérence envers ces ancêtres sans sépulture : avec délicatesse, je dépoussière les reliques précieuses de leurs vies anonymes, menées avec audace et persévérance au nez des puissants.
Toutes et tous n’ont pas été des Harriet Tubman, loin de là. La majorité ne furent pas des héros. Ils et elles menèrent des existences discrètes, fleurissant tant bien que mal dans les étroits interstices échappant aux racines tentaculaires de la domination coloniale et patriarcale. Mais mon dieu, quelle beauté dans ces humbles interstices…. Quelle créativité. Quel amour. Pour les leurs, pour la vie. Car plus encore que leur rage de survivre, c’est leur puissant désir de vivre – des vies pleines et entières - qui ne cesse de me toucher en plein cœur…
Ainsi, tel le psychopompe qui escorte les âmes des défunts vers l’au-delà, je m’efforce d’assurer le passage de ces innombrables histoires ancestrales vers le collectif. Telle est mon étoile du nord : retisser la tresse immémoriale qui fut tranchée par la domination capitaliste, coloniale et patriarcale. Une tresse tissée de savoirs subversifs et d’expériences illimitées pour faire face au chaos.
En exhumant les mémoires des ancêtres, nous les libérons autant qu’iels nous libèrent
Celles et ceux qui ont lu mon premier roman, La Prophétie des Sœurs-Serpents, ressentent bien qu’il ne s’agit pas simplement d’un roman historique au sens classique du terme, à savoir un ne mise en récit de faits historiques, froids et cliniques, animés par les rouages de de l’imagination de l’auteur. Bien que mon processus d’écriture ait effectivement commencé ainsi, il s’est rapidement mué en quelque chose de tout autre, quelque chose dont j’ai encore du mal à parler de façon claire.
Le fait d’avoir dû rédiger le roman en trois mois pour tenir la deadline convenue avec ma maison d’édition (bienvenue dans ma vie désespérante de procrastinatrice chronique) a paradoxalement aidé à faire advenir la magie qui a pris le dessus… En effet, lorsqu’on n’a plus d’autre choix que d’écrire du matin au soir, sept jours sur sept, dans un processus qui ressemble finalement moins à de l’écriture qu’à un acte de vomissement, l’intellect finit par céder. Dépassé, submergé, il éclate et se met au second plan.
C’est alors que quelque chose d’autre, quelque chose qui ne vient pas de l’auteur et de son cerveau, surgit et prend l’espace. Un flux puissant, qui m’a traversée pendant trois mois, et dont mon intellect n’a eu d’autre choix que de se faire l’instrument consentant.
Les trois jeunes filles de mon roman habitent un espace-temps qui est celui de la Martinique du milieu de XVIIème siècle. Nonoum, jeune chamane kalinago autochtone de l’île de la Martinique (Ioüanacaéra de son nom originel), qui assiste à la destruction de son monde par le mouvement inexorable de la colonisation européenne. Funmilayo, prêtresse yoruba d’Oshun, déportée en esclavage dans la colonie. Rozenn, paysanne bretonne d’extraction miséreuse, qu’une accusation de sorcellerie va contraindre à embarquer pour le « Nouveau Monde ».
Au départ, c’est au détour des archives que j’ai rencontré ces trois filles. Pas sous ces visages, bien sûr, mais sous celui de plusieurs anonymes ayant réellement existé, et dont des bribes de vie, des scènes d’existence anecdotiques, furent rapportées par les autorités coloniales. Mais l’archive ne me rapportait que le point de vue du colon l’ayant rédigée. Quid du point de vue de ces femmes ? Que diraient-elles si elles pouvaient raconter leur histoire à la première personne ? C’est cette curiosité, je dirais même cette frustration, qui a été le point de départ de ce projet de roman.
Toutefois, au fur et à mesure que l’écriture se transformait en ce que, faute de mieux, je ne peux décrire que comme une transe, ces personnages ont commencé à prendre vie de façon quasi-autonome. Nonoum, Funmilayo et Rozenn n’étaient dès lors plus de simples créations de mon imagination, mais devinrent des entités à part entière, condensation des vies et des mémoires de milliers de femmes disparues, cristallisation des résidus de leurs énergies demeurant dans l’invisible. Et ces femmes avaient beaucoup de choses à raconter, qui n’allaient pas toujours dans le sens que mon arrogance d’autrice débutante avait initialement imaginée.
Le 28 mai 2022, vidée, je posais le point final. 573 pages, 84 149 mots, et 475 478 caractères vomis dans un état de pure souffrance et de pure extase à la fois. J’ai explosé en larmes. Plus que la joie d’avoir tenu ma deadline et d’avoir réussi à achever mon premier livre, c’est une étrange sensation de douce-amertume, d’humilité face au devoir accompli, mais aussi et surtout, de deuil, que je ressentais. Au terme de ces trois mois passés non-stop en la compagnie de Nonoum, Funmilayo et Rozenn, elles étaient désormais bien vivantes à mes yeux. Et, je le savais, elles m’avaient bien plus choisie que je ne les avais choisies.
Elles avaient attendu longtemps, si longtemps, près de quatre siècles, pour que leur histoire soit enfin racontée. Leur longue attente m’inspire, aujourd’hui encore, une tristesse infinie. Mais aussi une profonde gratitude. Car elles le savaient, leur histoire est une médecine puissante pour nous qui vivons en terre caraïbe au 21ème siècle. Nous, leurs descendantes, avons désespérément besoin d’elles, de leur courage, de leur ingéniosité, de leur force et de leur feu de résistance, pour affronter le Monstre de notre temps. Car c’est le même monstre qu’elles affrontèrent en leur temps : celui de l’individualisme et de la violence mortifère, celui de l’illusion de séparation, qui obscurcit le cœur des hommes et mène à leur asservissement.
« En 1658 ou en 2020, l’ennemi qui nous fait face est monstrueux, insaisissable et protéiforme. Telle une hydre dont les têtes repoussent sans cesse plus nombreuses, il se nourrit de nos lâchetés, de notre individualisme, de nos petits désirs cupides et de nos mesquins égoïsmes… Colonialisme. Patriarcat. Capitalisme. Un triptyque infernal qui hiérarchise les vies – humaines comme non humaines – et en exploite des millions au profit de quelques-uns. Sous différents visages, cette histoire dure depuis la nuit des temps et durera sans doute encore longtemps… Mais j’ai enfin compris. Il n’a jamais été question de gagner le combat, mais de le mener. Car, malgré tout ce qu’on y sacrifie, c’est à travers lui que nous naissons à nous-mêmes. À travers lui que nous nous révélons. Tel est le véritable legs de la Femme-Serpent. Réveiller nos mémoires endormies. Celles qui, face à l’ennemi gigantesque, avaient oublié la force du petit. » (La Prophétie des Soeurs Serpents, Slalom, 2022).
Cette mission qu’elles m’ont confiée, j’ai fait de mon mieux pour m’en rendre digne, et l’accomplir avec responsabilité. Et, à présent que leur histoire a été libérée, je le sens, leurs âmes peuvent enfin être libérées elles aussi.
Si la conception linéaire du temps est illusion, si tout se produit dans un éternel présent, alors je crois que les ancêtres nous guérissent en même temps que nous les guérissons. En acceptant de recevoir et d’écouter leurs sagesses ; en marchant dans leurs pas, et en menant des vies qui rendent hommage aux leurs, nous les libérons, autant qu’ils et elles nous libèrent.
Kindred spirits, “mauvaises filles”, queer et atypiques d’un autre temps
Pour certain.es d’entre nous, contacter les ancêtres s’avère un enjeu encore plus vital. Je pense à celleux d’entre nous qui ne rentrons pas dans les cases, et qui n’avons pas de représentation à laquelle nous puissions nous identifier.
Que nous soyons queer, atypiques ou autrement subversif.ves ; nous dont cette société tente d’invalider les existences, en nous racontant que nous ne devrions pas exister et que, la preuve en est, nous n’avons jamais existé dans le passé. Souvent, nous n’avons pas, dans notre entourage physique et familial, d’ancien.nes ayant vécu les mêmes expériences d’ostracisation et d’adversité que celles auxquelles nous sommes confronté.es, et cette absence est une douleur terrible. A qui pouvons-nous demander conseil ? Vers qui pouvons-nous nous tourner, pour avoir foi dans le fait que nous pouvons survivre ?
Nous n’avons pas à errer dans le monde, hagard.es et sans gangan (mot kréyol pour désigner les ancien.nes) pour nous guider. Nous pouvons nous tourner vers nos ancêtres d’âme, pour recevoir les histoires de celleux qui nous ressemblaient et qui, de leur temps, furent aussi queers, atypiques ou subversifs que nous le sommes aujourd’hui. Nous pouvons écouter leurs douleurs et leurs peines, mais aussi, nous délecter de leurs joies, de leurs rêves et de leurs victoires. C’est là une expérience de guérison incomparable.
L’une de mes grandes inspirations, l’historienne afro-étasunienne Saidiya Hartman, a écrit un livre magnifique à cet égard. Dans Wayward Lives, Beautiful Experiments : Intimate Histories of Riotous Black Girls, Troublesome Women and Queer Radicals, Hartman traque les traces évanescentes de femmes noires américaines du début du 20ème siècle qui ont refusé de laisser l’ordre raciste et patriarcal diminuer leurs existences. Au moyen de photos, de poèmes et de déambulations mémorielles, on découvre les vies de ces « mauvaises filles » : des rebelles, des artistes, des marginales, des criminelles, des lesbiennes… De ses propres mots, Hartman décrit son ouvrage comme « a dream book for existing otherwise » :
« L’idée folle qui anime ce livre est la suivante : les jeunes femmes noires étaient des penseuses radicales qui ont imaginé, de façon inépuisable, ont imaginé d’autres façons de vivre, et n’ont jamais cessé d’imaginer ce que pourrait être un autre monde (…)
La rébellion est une exploration continue de ce qui pourrait être. Elle improvise vis-à-vis des termes de l’existence sociale, là où les termes ont déjà été dictés, là où il y a peu d’espace pour respirer, là où vous avez été condamn.é à une vie de servitude. C’est la pratique infatigable qui consiste à essayer de vivre là où vous n’étiez jamais censé.e survivre. » (Hartman, 2019).
Sur un tout autre sujet qui m’affecte directement, celui de l’autisme, une autre autrice que j’admire beaucoup, Joanne Limburg, a traqué dans l’histoire des figures de femmes autistes. Ces femmes, parmi lesquelles Virginia Woold, furent de leur temps diagnostiquées autistes ou bipolaires, ou alors, furent décrites en des termes qui laissent fort à penser qu’elles auraient été considérées comme telles si elles avaient vécu à notre époque. Le livre qui est né des ces explorations, Letters to My Weird Sisters, est une compilation de lettres que l’autrice, elle-même diagnostiquée à l’âge de 42 ans, s’adresse à ces femmes envers lesquelles elle ressent une émouvante sororité, par-delà les frontières du temps. Pour moi qui suis dans une démarche de diagnostic de mon autisme de haut niveau et qui, dans ce parcours, fais face à des difficultés additionnelles en tant que femme et personne non-blanche[1], la lecture de ce livre a été un baume incroyable. Moi aussi, je me suis retrouvée à puiser de la force dans les vies de ces sœurs atypiques d’un autre temps.
Qui sont vos ancêtres symboliques, vos grands-mères honoraires ?
Longtemps après avoir refermé Letters to My Weird Sisters, cette idée de dialoguer avec mes kindred spirits, mes âmes sœurs d’un autre temps, m’est restée en tête. Je me suis rendue compte que je le faisais déjà depuis des nombreuses années, sans l’avoir jamais conscientisé. Au fil des ans, je me suis créé un panthéon d’ancêtres, ou plutôt, un pan-mêter - un terme que j’ai bricolé, du grec « mêter », μήτηρ, qui signifie mère, aïeule, grand-mère. C'est à ce pan-mêter que je m’adresse directement lorsque j’ai besoin de force ou de guidance.
Le pan-mêter que je prie est constitué d’ancêtres de sang et d’ancêtres symboliques, de femmes de chair comme d’archétypes divins. Dans mon cercle de mères, il y a :
- Isis, la déesse mère égyptienne dont je porte le nom ; solaire et lunaire à la fois, magicienne et femme médecine, elle m’inspire à partager ma propre médecine avec le monde et à en faire un acte d’amour et de générosité.
- Kali, la déesse hindou de la destruction, celle que je convoque lorsque je dois me montrer puissante et intransigeante, lorsque je dois trancher, en moi comme à l’extérieur de moi, les mensonges, les lâches compromissions et les illusions. Celle qui m’aide à embrasser sans honte mon chaos et à avoir foi en ma capacité à renaître de mes cendres.
- Saraswati, la déesse hindou des arts et de la connaissance, celle qui me rappelle que je suis Une et que je n’ai pas à choisir entre ma part intellectuelle et ma part émotionnelle.
- Octavia Butler, autrice américaine emblématique du courant afrofuturiste, indéniablement queer et neuroatypique, et, j’en suis convaincue, oracle visionnaire. Elle m’encourage à incarner mes visions et à travailler avec persévérance, malgré la souffrance et la solitude qui accompagnent les existences comme les nôtres.
- Frida Kahlo, artiste et éternelle rebelle, dont la flamboyance, mais aussi le combat face à la maladie, me donnent la force de continuer à vivre et à créer dans le corps chroniquement souffrant qui est le mien.
- Angela Davis, une ancêtre qui marche toujours dans le monde des vivants, et qui me rappelle que la source et le but de nos combats doit toujours être l’Amour. Un amour inconditionnel et profondément compassionnel pour l’humanité et pour toutes les créatures vivantes.
- Suzanne Roussi, écrivaine martiniquaise du milieu du siècle dernier, qui ne fut retenue par la postérité que comme « l’épouse de l’illustre Aimé Césaire », alors qu’elle était tellement, tellement plus… Suzanne décéda d’une tumeur au cerveau à l’âge de cinquante-et-un an, et j’ai lu quelque part que c’était peut-être la manifestation somatique du mal qui rongeait son âme : celui d’être une brillante penseuse, qui avait tant de choses à dire, mais qui en fut empêchée par le sexisme de son époque. Quand j’écris, quand je fais usage de ma plume et de ma voix, je le fais pour Suzanne. C’est elle qui me pousse lorsque je doute et renâcle à la tâche. C’est à elle que je dédie mes mots.
- Denise Ramassamy, la mère de ma grand-mère maternelle, née en 1900 dans la ville de Saint-Pierre en colonie de Martinique, décedée en 1948. Denise est morte jeune : aucun des enfants de ma grand-mère ne l’a connue. Pourtant, j’ai l’impression de la connaître intimement, car ma grand-mère m'a beaucoup parlé d'elle. Denise était fille d'engagés indiens tamils, déportés en colonie de Martinique pour y servir de main d’œuvre à bas coût dans les champs de canne à sucre après l’abolition de l’esclavage de 1848. Elle était paysanne sans terre et marreuse de cannes sur l’habitation Depaz (la fonction la plus miséreuse dans la hiérarchie de l’habitation sucrière). Denise appartenait aux couches les plus pauvres de la société coloniale, et de ce fait, était soumise en première ligne à sa violence. Mais quand ma grand-mère me parle d’elle, c’est invariablement sa douceur qu’elle évoque. Une douceur qui, souvent, l’a amenée à être martyrisée et à ne pas se défendre. Alors, la douceur de Denise, je la convoque lorsque j’ai besoin de m’emmitoufler dans son énergie de grand-mère bienveillante. Et lorsque je dois sortir les ongles et me défendre, je le fais en pensant à elle, en me disant que son arrière-petite-fille se bat pour toutes les fois où elle n’a pas pu le faire.
- Victorine Labeau, l’arrière-arrière-grand-mère de ma grand-mère maternelle, née esclave en 1821 à Saint-Pierre de la Martinique. Elle est une ancêtre littérale dont on n’a pas conservé le souvenir dans la mémoire de ma famille, mais qui s’avère pourtant d’une importance capitale : Victorine fut la première libre de notre lignée. Comme en atteste son acte de manumission conservé aux archives nationales des outremers, elle fut affranchie en 1840 (huit ans avant l’abolition), avec ses cinq enfants. Ma liberté, c’est au nom de Victorine que je la savoure, et que je m’efforce d’en faire usage avec passion.
Et il y en a tant d’autres encore…
Alors, je vous le demande : et vous, qui sont les mères symboliques qui forment le cercle de vos ancêtres ? Qui est votre pan-mêter ?
Que faîtes-vous pour les rendre fières ? Que faîtes-vous, aussi, pour devenir les ancêtres du futur, celles qui guideront les pas des filles de demain ?
[1] La compréhension stéréotypée de l’autisme qui a longtemps prévalu en psychologie, de même que les biais culturels et racistes qui centralisent l’expérience des autistes hommes et blancs, rend l’accès au diagnostic particulièrement complexe pour les femmes et les personnes non-blanches. Ces dernières sont de plus en plus diagnostiquées à l’âge adulte, à leur propre initiative, après des décennies de difficultés sociales, de sentiment de différence et d’absence de prise en charge : https://www.fullspectrumchildcare.com/blog/the-forgotten-girls-racial-and-ethnic-disparities-within-the-disability-community-through-the-lenses-of-black-women-and-girls-with-autism
J'ai lu votre texte pan mêter : convoquer les mères, conjurer l'oubli dans le magazine du palais de tokyo. Quelle chance de tomber sur votre travail au moment j’effleurais l'idée de renouer avec mes racines martiniquaises. Moi qui pendant longtemps ai pensé que j'en était trop éloignée pour vraiment me sentir concernée par mes origines, je me retrouve émue aux larmes face à vos mots... Alors merci, je crois que votre travail me donne un peu de contenance pour m'élancer dans ce cheminement.
Merci Isis ! Tes mots résonnent tellement fort en moi ! J’ai appelé mon pan-mêter RELIANCE , c’est une installation que j’ai créé en 2019 pour leur rendre hommage , et inviter le public en faire autant ! En partage la photo
https://guygabon.com/wp-content/uploads/2020/04/IMG_2145.jpg
Si ton chemin te mène en Guadeloupe entre le 15 décembre et le 20 Février , l’installation sera visible au Musarth de Pointe à Pitre ! Surtout fais moi signe , je t’inviterais à partager sur le sujet avec le public ! On s’est croisé à la villa départementale de Guadeloupe l’an dernier , Kanelle Valton nous a présenté. Au plaisir ! Merci pour tous tes écrits que je dévore littéralement...